Nous avons rencontré Yannick MAHE et Christian VERGIER, les deux acteurs à l’origine de la création de la SAS Distillerie Saint-Pierre-et-Miquelon, afin d’en savoir plus sur l’état d’avancement de ce projet d’envergure pour notre territoire.
Archipel Développement : la société SAS Distillerie SPM a été créée en décembre dernier, est-ce une étape importante dans la réalisation de votre projet ?
YM – CV : c’est l’étape principale, l’acte de naissance de l’entreprise ! Malgré les difficultés rencontrées et avec un an de décalage, nous sommes dans les temps notamment au regard de la maturité du marché sur les whiskys premium, et du centenaire de la Prohibition.
Archipel Développement : quel a été le principal obstacle dans la réussite de cette étape, comment avez-vous pu le surmonter ?
YM – CV : le principal obstacle a été de trouver un financement pour les investissements, les banques locales ne nous ayant pas apporté leur concours. Nous avons finalement obtenu un prêt de la BNP PARIBAS qui est en relation avec l’un de nos actionnaires.
Archipel Développement : l’investissement privé représente plus de 2 millions d’euros, c’est sans précédent sur le territoire ! Comment gère-t-on un projet de cette taille dans un Archipel de la taille du nôtre ?
YM – CV : cela reste un très gros projet pour le territoire, le dernier qui s’en rapprocherait remonte à plus de 20 ans.
Le montant de l’investissement est important mais indispensable notamment en raison des besoins en matériels. A Saint-Pierre-et-Miquelon il n’est pas possible de sous-traiter certaines activités comme nous aurions pu le faire en métropole, la chaîne complète de production doit donc être implantée sur place. Il faut aussi avoir en tête que même si nous pourrons présenter quelques produits à la vente dès la 1ère année, un whisky demande 3 ans de vieillissement, une période durant laquelle l’entreprise devra fonctionner sur ses fonds propres et l’emprunt bancaire.
On ne pouvait donc pas faire moins au niveau investissements, nos produits seront vendus à l’international : métropole, Europe, Canada, Etats-Unis… le produit doit être de grande qualité et en volume suffisant et cela demande des investissements importants.
Le dossier a été très bien structuré, cadré, avec un business model crédible, un travail d’expertise… Et puis de nombreux acteurs nationaux de renom le jugent suffisamment crédibles pour s’y associer.
Archipel Développement : quand débutera la production ?
YM – CV : le premier investissement sera celui de la brasserie, elle est commandée. Dans 3 mois nous pourrons la mettre sur le bateau en direction de l’Archipel.
Les alambics seront commandés la semaine prochaine, nous espérons donc que « ça coule » d’ici août-septembre ! Notre objectif sera dans un premier temps de produire pour remplir les chais.
Archipel Développement : quel va être votre produit phare ?
YM – CV : le whisky ! Dans 3 ans nous aurons notre premier whisky fabriqué localement. En attendant nous pourrons proposer d’autres spiritueux comme le spicy whisky, le whisky au miel…
Nous travaillons également sur un gin aux saveurs locales, qui devrait être présenté en fin d’année, puis de la vodka.
Mais la priorité, c’est bien le whisky !
Archipel Développement : allez-vous produire de la bière ?
YM – CV : il faut savoir qu’une distillerie de whisky, c’est d’abord une brasserie car un whisky est le résultat d’une bière distillée. Nous devrons fabriquer notre bière pour ensuite la distiller et la transformer en whisky : pour faire 100 litres de whisky, il faut produire 800 litres de bière (appelée « wash »). En rythme de croisière nous distillerons 5.000 litres par jour !
Une brasserie pour fabriquer de la bière et du whisky c’est donc à peu de chose près la même chose en termes d’équipement de base. Pour réaliser de la bière de consommation, il est cependant nécessaire d’installer un certain nombre d’outillages spécifiques onéreux, dont des équipements de filtration que nous n’avons pas prévus pour le moment.
Dans les premières années, tous nos volumes serviront à la production de whisky.
Archipel Développement : quel impact attendez-vous pour le territoire ?
YM – CV : nous aurons la création d’un emploi, puis d’un deuxième à l’horizon 3 ans, mais l’impact principal sera la visibilité, notamment sur les salons où nous pourrons présenter le produit.
On arrive sur un marché en plein développement et on sera le 1er whisky à être fabriqué en Outre-mer et le premier dans un territoire français en Amérique du Nord. Notre visibilité devrait être très rapide, d’autant plus que nous sommes regardés avec un œil gourmand par les journalistes spécialisés sur le produit !
Et puis à terme il y aura des activités connexes avec le tourisme…
Visuel d’illustration : le XVIIIème amendement de la Constitution des Etats-Unis, a initié la prohibition. Ratifié le 16 janvier 1919, il est le seul amendement de la Constitution à avoir été abrogé, en 1933.